Provenance des cahiers du Journal de Stendhal

Provenance des cahiers du Journal de Stendhal

La Bibliothèque municipale de Grenoble, déjà détentrice de la quasi-totalité des manuscrits du Journal de Stendhal disséminés sous différentes cotes, vient de s’enrichir des cahiers provenant des collections Edouard Champion – Pierre Berès.. Comment expliquer que ces manuscrits aient échappé au legs de Stendhal à son ami d’enfance Louis Crozet et, par voie de conséquence, au don fait par Mme veuve Crozet à la bibliothèque en 1861 ? La réponse à cette apparente énigme est apportée, une fois encore, par l’irremplaçable V. Del Litto qui, il y a seize ans, révélait l’existence d’une longue note manuscrite de Romain Colomb décrivant par le menu sept cahiers du Journal qui lui avaient été confiés par Adolphe de Mareste (référence : V. Del Litto, « Les péripéties de quelques autographes de Stendhal – documents inédits ». Stendhal Club N° 128, 15 juillet 1990, p. 391-403 ; recueilli dans Une somme stendhalienne, p. 1741-1752).

Mareste avait récupéré les cahiers parmi d’autres manuscrits venant de Milan (M.v.d.M.) auprès de Luigi Buzzi, l’ami milanais de Stendhal, un an après la mort de ce dernier, en 1843, et au lieu de les remettre à Louis Crozet, leur légitime propriétaire en tant que légataire de l’écrivain grenoblois, les avait oubliés pendant 12 ans dans ses affaires. On sait que Stendhal, en quittant précipitamment Milan en juin 1821, avait laissé sur place ses livres et ses manuscrits à Buzzi (ne pas confondre avec Bucci, de Civitavecchia) et ne s’en était plus soucié après. Colomb, pour qui tout ce qui venait de son cousin était sacré, ne manqua pas, selon une habitude contractée de son métier de chef comptable, de dresser un inventaire détaillé des sept cahiers. C’est cet inventaire qui a été publié par Del Litto en 1990. Il lui avait été confié par Robert d’Illiers, le descendant de Colomb. Or il ne s’est pas retrouvé dans les archives de son fils Bertrand lorsque j’y ai eu accès en 1996, resté, vraisemblablement par négligence, dans les papiers de Del Litto, aujourd’hui envolés à Moncalieri (1). Du moins sa publication dans Stendhal Club rend-elle possible une comparaison du contenu décrit par Colomb avec les cahiers en provenance de la collection Berès.

Après avoir collationné et décrit les cahiers, Colomb ne les restitua pas à son propriétaire légitime (Crozet), mais les rendit à Mareste de qui il les tenait, comme l’atteste une note liminaire : « Manuscrits de Beyle, retrouvés par de Mareste le 22 mars 1855 (ils lui avaient été remis à Milan, en 1843, par M. Buzzi) et qu’il m’a envoyés en communication. – Renvoyés le 30 mars et le 12 avril 1855 avec une lettre ». On notera tout de suite que, des sept cahiers décrits par Colomb, le 5ème , celui contenant la célèbre Consultation pour Banti porte la mention : « Ce cahier appartient à M. Louis Crozet ». Il aurait dû en toute logique revenir à Crozet et se retrouver par la suite dans le dépôt fait par Mme Crozet en 1861 à la bibliothèque de Grenoble. Pourtant, il dut rester chez Colomb et, après sa mort en 1858, échoir à l’une de ses filles, Claire. C’est par cette voie qu’il entra en possession d’Auguste Cordier, puis de Casimir Stryienski (décédé en 1912). Il passa en vente en 1957 et en 1959 et par la suite dans les ventes Sacha Guitry (1974, n° 92) et Col. Daniel Sickles (1989, n° 195). Remis une nouvelle fois en vente le 16 décembre 1993, il fut préempté pour la somme de 110.000 F (sans les frais) par la Bibliothèque de Grenoble.

Mareste conserva les 6 autres cahiers par devers lui jusqu’à sa mort en 1867. A partir de là, on en perd la trace jusqu’à ce qu’ils réapparaissent entre les mains du pasteur Maystre, de Genève, duquel les acheta le libraire Henri Leclerc. C’est de ce dernier que le célèbre collectionneur d’art, de livres et de manuscrits (possesseur, entre autres, du portait de Stendhal par Södermark, aujourd’hui à Versailles), Me P-A. Cheramy, les acquit le 16 mai 1900, avec d’autres manuscrits et de nombreuses lettres de Stendhal (ref. Adolphe Paupe, « Les manuscrits de Stendhal », L’Amateur d’autographes, mai 1912, p. 335-336 ; par la suite dans La vie littéraire de Stendhal , Champion, 1914, p. 71-72).

Après la mort de Cheramy, en 1912, les cahiers passèrent en vente à l’Hôtel Drouot le 23 avril 1913 (ref. Catalogue de sa vente, n° 25 et n° 26). Ils se présentaient alors sous la forme de deux gros volumes reliés en veau fauve, dos ornés et pièces rapportées. Ils furent acquis à cette vente par l’éditeur et collectionneur Edouard Champion. Celui-ci étant décédé en 1938, ses héritiers vendirent sa bibliothèque entière au libraire Pierre Berès, lequel opéra un tri, conserva ce qu’il y avait de plus précieux (dont il revendit une très grande partie dans sa librairie) et donna le reste à la BN. C’est Pierre Berès qui fit relier les cahiers par Pierre-Lucien Martin, dans l’état où ils se présentent aujourd’hui. Des 6 cahiers rachetés des héritiers d’Edouard Champion, Berès n’a pas hésité à en démembrer un, celui contenant les Love Letters, c’est-à-dire les brouillons des lettres d’amour à Métilde, manuscrit autographe de 74 pages in-4 (ref. Bulletin Pierre Berès n° 41, septembre 1961, 90.000 NF) et des pages du Journal de 1819 (ref. Vente Sickles, 18-19 mars 1993, XIII, n° 5551).

Depuis leur publication, qu’on suppose incomplète et fautive, dans le Journal de la grande édition Champion, on en avait perdu toute trace jusqu’à leur réapparition en 2003, dans le cadre de l’exposition organisée par la bibliothèque de Chantilly. Ni Martineau ni Del Litto n’y avaient eu accès pour l’établissement de leur édition du Journal dans la Bibliothèque de la Pléaide. Les cahiers ont été préemptés par la Bibliothèque de Grenoble pour la somme de 800.000 € (937.000 € avec les frais), contre le libraire J-C. Vrain agissant sur ordre, à la vente du cabinet des livres de Pierre Berès le mardi 20 juin 2006.

En résumé : Luigi Buzzi (1821) — Adolphe de Mareste (1843) — Romain Colomb (1855) — Adolphe de Mareste (1855, jusqu’à sa mort en 1867) — X (localisation inconnue pendant une période indéterminée) — le pasteur Maystre, de Genève — le libraire Henri Leclerc — P-A. Cheramy (1900) — Edouard Champion (1913, jusqu’à sa mort en 1938) — Pierre Berès (après 1938) — Bibliothèque de Grenoble (vente Berès, 20 juin 2006).

(1) On ne regrettera jamais assez que la ville de Grenoble, à défaut de s’opposer au testament tardif et suspect de Del Litto, n’ait pas au moins exigé un inventaire de ces papiers avant de les laisser emporter à Moncalieri.

Jacques Houbert

(28 juin 2006)

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